Bulletin électronique Mondialisation.ca
URL de cet article: http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=32002
Les Olympiques militarisés de Londres évoquent 1984 d'Orwell
par Finian Cunningham
|
|
Le 20 juillet 2012
| |
![]() Les Olympiques de Londres prennent rapidement l’allure d’une vaste opération militaire terrestre et aérienne et non pas celle d’un événement sportif international.
Au
lieu du sentiment de fraternité internationaliste que devraient
incarner les Jeux olympiques, il règne à Londres une atmosphère
menaçante de pays en guerre avec des missiles sol-air déployés sur les
toits d’immeubles d’habitation, des cuirassés de la Marine en état
d’alerte, ainsi que des chasseurs et des hélicoptères de la Royal Air
Force patrouillant le ciel de la capitale britannique.
Le
Jeux commence dans une semaine. Parmi les récents développements figure
une annonce du ministère britannique de la Défense voulant que 3500
troupes supplémentaires soient déployées pour assurer la sécurité sur
les 30 sites accueillant les événements sportifs. Cela s’ajoute aux
13 500 militaires déjà assignés à la protection du public et des équipes
sportives contre les risques d’une attaque terroriste.
Le
général britannique Sir Nick Parker, qui supervise les dispositions de
sécurité, a déclaré que l’un des plans d’urgence consiste à faire face à
un « événement du type 11-Septembre ».
Le
déploiement de troupes à Londres et dans les environs comprend 7000
personnels de plus que celui des opérations britanniques actuelles en
Afghanistan.
Ce
nombre s’ajoute aux 10 000 policiers supplémentaires et à une division
de 10 000 agents de sécurité privés. G45, l’entreprise privée de
sécurité ayant décroché le contrat avec les Olympiques, a révélé ne pas
être en mesure de satisfaire les exigences requises en termes
d’effectifs pour assurer la sécurité des Jeux. Cette révélation est à
l’origine du plus récent enrôlement de soldats supplémentaires.
La
militarisation des Olympiques a été exprimée par mégarde par un
porte-parole du ministère de la Défense lorsqu’il a déclaré : « À chaque
point d’entrée des événements olympiques, le public rencontrera
dorénavant bien des membres actifs des forces armées. »
Boris
Johnson, la maire rebelle de Londres a affirmé pour sa part : « Le
maire prend très au sérieux la question de la sécurité des Olympiques et
le fait d’avoir à notre disposition les meilleurs et les plus braves
militaires du monde durant les Jeux devrait nous réconforter. »
Le
plus gros cuirassé de la Royal Navy, HMS Ocean, sera amarré à Greenwich
sur le Thames et servira de centre de commandement voué à la logistique
lors des événements. Il servira également de base pour les hélicoptères
Lynx, équipés de tireurs d’élite, lesquels feront des sorties en tout
temps dans le ciel de la capitale.
![]()
HMS Ocean
Les
Royal Marines sur des bateaux de patrouille et des canots pneumatiques
sont aussi affectées à la patrouille de la rivière emblématique qui
serpente à travers les monuments historiques de Londres.
La
Royal Air Force (RAF) patrouillera également le ciel de la capitale
avec des hélicoptères Puma et des chasseurs Typhoon depuis la base
militaire Northolt de la RAF, à l’ouest de Londres, et celle d’Ilford à
l’est de la ville.
Mais
le déploiement le plus controversé a été l’installation de batteries de
missiles sol-air sur des immeubles d’habitation dans le quartier
appauvri et décrépit de l’est de Londres. Des résidents ont récemment
perdu une bataille juridique visant à empêcher l’installation des
batteries Rapier SAM.
![]() Hélicoptères Puma ![]() Chasseurs Typhoon ![]()
La batterie Rapier SAM qui sera installée sur les toits d’immeubles résidentiels dans l’est de Londres
Les
communautés locales, majoritairement issues de la classe ouvrière, se
sont objectées à la militarisation de leurs quartiers. Elles ont par
ailleurs mis en doute la sécurité des résidents advenant l’utilisation
de ces armes pour abattre un avion suspecté d’être utilisé pour des
attentats terroristes. L’un d’eux a déclaré : « Qu’arrivera-t-il si nos
maisons sont aspergées de débris? »
L’invasion
militaire de quartiers démunis durant les quatre semaines des
Olympiques a exacerbé l’irritation provoquée par ce spectacle colossal.
Des zones de l’est de Londres comme Tower Hamlets et Waltham Forest se
situent dans l’ombre des installations construites expressément pour les
Jeux. Le coût total de l’organisation des Olympiques, incluant la
gigantesque opération de sécurité, se chiffrerait entre 20 et
40 milliards de dollars, un montant qui sera assumé en grande partie par
les contribuables. Tout cela au moment où le gouvernement britannique
est en pleine période de réductions budgétaires et de mesures
d’austérité draconiennes, supprimant des dépenses publiques de l’ordre
de 140 milliards.
Des
communautés de l’est de Londres socialement démunies ont fait les frais
des réductions budgétaires gouvernementales requises pour équilibrer la
comptabilité du Trésor, mise en péril par les généreux milliards
alloués au sauvetage des banques privées corrompues.
En
raison du chômage et de la défavorisation vivement ressentie dans des
quartiers semblables à l’est de Londres, peu de résidents auront les
moyens d’assister aux Olympiques : les billets se vendent jusqu’à
3000 dollars.
L’extravagant
événement et son parrainage corporatif tape-à-l’œil, juxtaposé à la
pauvreté sinistre et tentaculaire touchant de nombreux Londoniens, cela
dans un contexte d’opérations militaires et de surveillance à grande
échelle, provoque une sensation inquiétante rappelant le roman
dystopique de George Orwell, 1984.
Le
classique d’Orwell évoquant un État policier autoritaire se déroulait
principalement à Londres, devenue la capitale d’Airstrip One, une
province du super-État étasunien, Océania. La majorité appauvrie de la
populace, les « prolos », devait se contenter de pubs minables et
d’espoirs de gagner une loterie hebdomadaire, pendant que le « cercle
restreint » régnait sur les masses. Les prolos étaient maintenus dans la
servitude par des pouvoirs d’exception et un état de guerre permanent.
Dans le 1984 d’Orwell, l’idée
que l’état de guerre présumé et les attaques attendues d’ennemis
anonymes constituent un stratagème de l’élite visant à insuffler la peur
chez les masses va au-delà du simple soupçon.
![]()
Étant
donné la participation majeure du gouvernement britannique dans la
« guerre mondiale au terrorisme » des États-Unis et des preuves
attestant l’implication des services de renseignement britanniques dans
le complot des soi-disant attentats terroristes souterrains de Londres
du 7 juillet 2005 (7/7), le roman d’Orwell donne l’impression que la vie
tente de plus en plus d’imiter l’art.
1984
a été publié en 1949, un an après la tenue des Olympiques à Londres.
Ces Jeux ont eu lieu dans la foulée de la Seconde Guerre mondiale alors
que l’horizon Londonien était encore largement dévasté par la
guerre-éclair de la Luftwaffe allemande.
![]() En 2012, Londres ressemblera encore à une zone de guerre, en raison de la fallacieuse « guerre au terrorisme » dans laquelle se sont lancés le gouvernement britannique et son allié étasunien, tous deux en quête de domination à l’étranger comme à la maison.
Finian Cunningham est le correspondant du Centre de recherche sur la mondialisation au Moyen-Orient et en Afrique de l’Est. cunninghamfinian@gmail.com
Traduction Julie Lévesque pour Mondialisation.ca
| |






