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Lynne Stewart: Une histoire américaine
Quand le système judiciaire se met au service de l'injustice pour nier les droits des citoyens...
par Claude Jacqueline Herdhuin
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Le 2 juillet 2012
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Le
28 juin 2012, la cour d'appel des États-Unis pour le deuxième circuit
(United States Court of Appeals for the Second Circuit), a maintenu la
décision du juge Koeltl du 15 juillet 2010 d’augmenter à 10 ans la peine
initiale de Lynne Stewart. Le 16 octobre 2006, ce même juge avait
condamné Lynne Stewart à 28 mois de prison pour conspiration et soutien
matériel au terrorisme.
Cette
avocate, aujourd’hui radiée du barreau, a consacré sa vie aux pauvres,
aux défavorisés, à la communauté noire et à la justice. Ceux d’entre eux
qui n’avaient pas les moyens de payer les services d'un avocat
pouvaient frapper à sa porte. Aujourd'hui, Lynne Stewart lutte non
seulement pour sa liberté et ses droits, mais également pour la liberté
et les droits de tous les Américains.
Âgée
de 72 ans, elle est détenue à la prison de Carswell, au Texas depuis 32
mois. Il lui reste encore sept ans et demi avant de pouvoir espérer
retrouver la liberté, à l’âge de 80 ans…
Si
l'on fait un rapide retour sur le cas de Lynne Stewart, il ressort
immédiatement qu'elle a servi de bouc émissaire au gouvernement des
États-Unis. La justice américaine s’est intéressée à son cas seulement
après le 11 septembre 2001. Rappelons que sa seule faute est d'avoir
contrevenu aux mesures administratives spéciales (Special Administrative
Measures, SAM) du bureau américain des prisons (US Bureau of Prisons).
Elle avait été obligée de signer ces mesures pour pouvoir défendre le
Cheik Omar-Abdel Rahman. Les SAM sont inconstitutionnelles : elles
violent le Premier Amendement ainsi que le Sixième Amendement de la
Constitution américaine selon lequel, tout accusé a droit à un avocat et
à être jugé par un jury d’État impartial dans l’État même où le crime a
été commis et seulement pour ce crime. L'Administration Clinton n'a pas
considéré Lynne Stewart comme une terroriste et une traîtresse. À
l’époque, son cas a simplement été considéré comme une faute
administrative. Lynne Stewart a reçu une lettre à cet effet, et n’a pas
pu rendre visite à son client pendant quelque temps. Puis, elle a pu
reprendre ses visites au Cheik en prison et poursuivre son travail
d’avocate. Ce n’est que le 9 avril 2002 qu’elle a été arrêtée à son
domicile par le FBI, quelques mois après les évènements du 11 septembre
2001 et dans un climat d’hystérie collective. Le soir de son
arrestation, John Ashcroft, ministre de la Justice des États-Unis, est
allé à l’émission populaire de David Letterman, Late Night Show, et a
déclaré à toute l’Amérique que Lynne Stewart était une traîtresse à la
nation.
Lynne
Stewart est devenue un double symbole. Le gouvernement américain et ses
partisans voient en elle une menace pour l'autorité et la sécurité des
États-Unis, en langage clair : une menace pour leurs intérêts. En
réalité, ses années de travail acharné comme militante pour la justice
sociale et le respect des droits civils, sa brillante carrière d’avocate
de la défense et sa connaissance sans faille de la loi et du système
judiciaire sont ses seules fautes. Devenue un exemple pour de nombreux
avocats plus jeunes, elle représentait un danger réel pour le
gouvernement. Un danger que la justice et la loi soient respectées aux
États-Unis. Pour ses partisans et les partisans des droits et liberté et
du respect de la Constitution , elle est le modèle à suivre. La femme
derrière laquelle on se range pour monter aux barricades et prouver au
gouvernement qu’on existe, que les lois existent et qu’on n’abandonnera
pas la lutte pour la justice et les droits et libertés. Elle est une
héroïne.
En
s’acharnant contre elle, l’Administration américaine contribue à en
faire une héroïne encore plus grande. Lynne Stewart l’a déjà prouvé,
elle n’abandonnera pas le combat. Et c’est ce que les juges lui
reprochent. En sa qualité d'ancienne avocate, elle connaît tous les
rouages du système judiciaires ainsi que ses droits. Elle n'est pas à la
veille de se taire ou de baisser les bras. Et, advenant qu’elle ne
sorte de prison qu’à l’âge de 80 ans, il est fort probable qu’elle
sortira debout, le poing levé et que nombreuses seront les personnes qui
l'attendront quand elle franchira les grilles.
Ce cas
états-unien s'inscrit dans la logique mondiale d'aujourd'hui :
instaurer la peur en votant et appliquant des lois contraires aux droits
et libertés, cibler quelques figures pour en faire un exemple, Lynne
Stewart, Julian Assange, entre autres. Tout cela au nom de la sécurité
des citoyens. Le Québec ne fait pas exception comme en attestent la Loi
78 et les différentes mesures adoptées par le gouvernement Charest.
Claude Jacqueline Herdhuin
Auteure, réalisatrice, doctorante en Études et pratique des arts
Lire également : Le temps des secrets Lynne Stewart en prison : Quand la justice déraille
Vidéo-clip du documentaire sur Lyne Stewart et pétition :
http://www.globalresearch.ca/index.php?context=va&aid=16312 (en anglais) |