Roberto Abraham Scaruffi

Wednesday, 1 October 2014


Le grand mensonge de l’État islamique : « Les terroristes c’est nous »

Mondialisation.ca, 30 septembre 2014

Sous les auspices du Conseil de sécurité des Nations Unies, lors d’une session présidée par Obama, les États-Unis ont appelé la communauté internationale à adopter des mesures fortes, aux niveaux national et international, afin de limiter le recrutement de combattants pour l’État islamique.
Les reportages médiatiques ne mentionnent toutefois pas que les chefs d’État et de gouvernement, conseillés par leurs services secrets respectifs, ont approuvé la campagne étasunienne contre l’État islamique en étant pleinement conscients que le renseignement étasunien était l’artisan tacite de ce groupe, issu d’un vaste réseau d’entités terroristes « djihadistes » soutenues par les États-Unis. Les pays sont soit contraints d’appuyer la résolution chapeautée par les États-Unis ou ils sont complices de leur programme terroriste.
Rappelons que l’Arabie saoudite et le Qatar ont financé et formé les terroristes de l’État islamique (EI ou EIIL) pour le compte des États-Unis. Israël héberge l’EI dans le plateau du Golan et l’OTAN, en liaison avec le haut commandement turc, est impliqué depuis mars 2011 dans la coordination du recrutement des combattants djihadistes envoyés en Syrie. En outre, les brigades de l’EIIL en Syrie et en Irak sont intégrées par des forces spéciales occidentales et des conseillers militaires.
Tout cela est connu et documenté, mais pas un seul chef d’État ou chef de gouvernement n’a eu le courage de souligner l’absurdité de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies proposée par les États-Unis et adoptée à l’unanimité le 24 septembre.
« Absurdité » est un euphémisme. Il s’agit d’une entreprise criminelle sous les auspices des Nations Unies.
Alors que la diplomatie internationale est souvent basée sur la tromperie, les mensonges de la politique étrangère étasunienne ne sont plus crédibles. Nous assistons à l’effondrement total des pratiques diplomatiques établies. La « vérité interdite » est que l’État islamique est un instrument de Washington, un « atout du renseignement » étasunien. L’EIIL n’est ni une entité indépendante, ni un « ennemi extérieur » qui menace la sécurité mondiale, telle que le véhiculent les médias occidentaux.
Alors que tout le monde sait cela, le grand mensonge domine et devient vérité.
La résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies invite les États membres à « mettre un terme au recrutement, à l’organisation, au transport, à l’équipement et au financement des combattants terroristes étrangers ». La résolution souligne « la nécessité urgente et particulière de mettre en oeuvre la présente résolution à l’égard de ces combattants terroristes étrangers associés à l’EIIL [État islamique d'Irak et du Levant], au FAN [Front Al-Nosra]et à d’autres cellules, groupes affiliés, dissidents ou dérivés d’Al-Qaida [...] » Mais ces derniers ne sont-ils pas précisément « les combattants de la liberté de l’opposition » formés et recrutés par l’alliance militaire occidentale dans leur tentative de renverser le gouvernement de Bachar Al-Assad?
Réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies le 24 septembre 2014, présidée par le président Obama
Les combattants de l’EIIL sont les fantassins de l’alliance militaire occidentale. Leur mandat tacite est de faire des ravages et de détruire la Syrie et l’Irak en agissant pour le compte des États-Unis. Le but ultime consiste à transformer des pays en territoires.
Photo à gauche : John McCain avec des dirigeants des entités d’Al-Qaïda en Syrie
Les chefs politiques présents à la session du Conseil de sécurité des Nations Unies ont applaudi l’initiative des États-Unis contre le terrorisme. Le président français François Hollande a souligné le fait que « le terrorisme a pris une autre dimension et veut dorénavant conquérir des territoires ».
Plusieurs alliés des États-Unis, dont la Jordanie, la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar, lesquels appuient à l’heure actuelle l’EIIL et Al-Nosra, sont maintenant impliqués dans les raids aériens des États-Unis qui cibleraient l’EIIL en sol syrien.
La Turquie et la Jordanie ont des frontières communes avec la Syrie. L’Arabie saoudite et la Turquie partagent des frontières avec l’Irak. L’implication militaire directe de ces pays indique un scénario d’escalade et de guerre confessionnelle s’étendant de la Méditerranée à l’Asie centrale.
À cet égard, la Turquie a déjà annoncé qu’elle sera impliquée dans des opérations au sol à l’intérieur de la Syrie et de l’Irak. Le premier ministre Ahmet Davutoğlu, élu récemment, a annoncé (un jour avant la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies) que son gouvernement cherchera à obtenir l’approbation du Parlement turc pour intervenir militairement en Irak et en Syrie.
Les enjeux sont une soi-disant « zone d’exclusion aérienne » déguisée et une justification pour bombarder l’Irak et la Syrie en vertu d’un mandat de lutte contre le terrorisme, ciblant principalement les infrastructures économiques ainsi que la population civile. Les artisans politiques de l’État islamique, dont le président Obama, le premier ministre Cameron et leurs homologues français, turc, saoudien, qatari, et. al, mènent en ce moment une campagne militaire contre l’État islamique, qu’ils ont eux-mêmes créé. On envisage également des troupes au sol. Selon des sources du gouvernement irakien, les États-Unis enverront quelque 13 000 troupes en Irak.
Les dirigeants des pays occidentaux sont-ils totalement ignorants et stupides ou totalement corrompus et complices? « Les terroristes c’est nous »*. Par ailleurs, ils semblent totalement ignorer les vastes implications de leurs actions.
La propagande de guerre est un acte criminel en vertu des principes de Nuremberg : il s’agit d’un crime contre la paix. En soutenant les mensonges et les fabrications de la politique étrangère étasunienne, les médias de masse sont complices de crimes de guerre.
Le premier ministre britannique David Cameron portera l’affaire devant le Parlement britannique [le 26 septembre le Parlement britannique a approuvé les frappes aériennes]. Au Canada et en Grande-Bretagne, on envisage de révoquer la citoyenneté des personnes soupçonnées d’appuyer le mouvement jihadiste. Alors que le premier ministre britannique a appelé le gouvernement de Sa Majesté « à limiter ou annuler les passeports des djihadistes britanniques [...] la ministre de l’Intérieur, Theresa May, a menacé de priver de leur citoyenneté les Britanniques luttant déjà avec l’État islamique ».
Ironie du sort, le premier ministre Cameron est complice puisqu’il a facilité et organisé le recrutement de djihadistes britanniques au Royaume-Uni. En attendant la formulation d’accusations criminelles, on pourrait en effet suggérer que son passeport soit révoqué pour « appui au mouvement djihadiste ».
George W. Bush a déclaré en 2001, « vous êtes avec nous ou vous êtes avec les terroristes ». La vérité interdite est que les États-Unis sont impliqués dans une entreprise diabolique: ils ont créé un réseau terroriste islamique dans le but de détruire des pays souverains et maintenant ils mènent une guerre contre leur propre réseau de terreur. Sans la propagande des médias, ce programme militaire sous couvert de lutte contre le terrorisme tomberait à plat, s’effondrerait comme un château de cartes.
Les terroristes sont le président des États-Unis et son indéfectible allié de Grande-Bretagne, ce sont ces « États qui appuient le terrorisme » dans le but de mener une guerre de conquête et l’Organisation des Nations Unies est complice dans ce projet.
* Jeu de mot avec la chaîne de magasin de jouets étasunienne Toys R Us, « Terrorists R Us »
Michel Chossudovsky