Roberto Abraham Scaruffi

Thursday, 31 March 2011



La doctrine Obama de la guerre

Le 30 mars 2011


Dans un discours à la nation, lundi soir à Washington, le président de Etats-Unis a exposé, en référence à la Libye, ce que le New York Times définit comme la « doctrine Obama ». Voici, en synthèse, ses points fondamentaux :

1) « Pendant des générations, les Etats-Unis d’Amérique ont joué un rôle unique d’ancre de la sécurité mondiale et de défenseur de la liberté humaine ». Obama se pose ainsi dans la continuité d’une politique qui, rien que dans les 50 dernières années, a vu les USA amener le monde au bord de la catastrophe, en fabriquant 70mille armes nucléaires (par rapport aux 55mille de l’URSS) ; faire une série de guerres (Vietnam, Golfe persique, Balkans, Afghanistan, Irak, etc.), coups d‘Etat et opérations secrètes (Iran, Guatemala, Indonésie, Chili, Nicaragua, etc.).

 2) « Je n’hésiterai jamais à employer notre force militaire rapidement, décisivement et unilatéralement pour défendre notre peuple, nos alliés et intérêts fondamentaux : dans ce but nous poursuivons al Qaeda partout où elle essaie de mettre les pieds, et nous continuons à combattre en Afghanistan ». La guerre en Afghanistan est ainsi motivée, en d’autres termes, avec le même argument que celui qu’avait employé le président Bush sur la nécessité d’une guerre continue pour poursuivre l’obscur ennemi terroriste qui « se cache dans les angles les plus sombres de la terre ».

3) « Nous sommes naturellement réticents à employer la force, mais quand nos intérêts et nos valeurs sont en jeu, nous avons la responsabilité d’agir ». C’est ainsi qu’est justifiée l’intervention en Libye, où « pendant plus de quatre décennies le peuple a été dominé par un tyran, Muhamar Kadhafi ». On n’explique pas, par contre, pourquoi il y a moins de deux ans, le 21 avril 2009, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton déclarait officiellement : « Nous apprécions profondément les relations entre États-Unis et Libye, et désirons ardemment les développer ».  L’épisode rappelle celui d’il y a vingt ans, quand Saddam Hussein, d’abord allié des USA contre l’Iran de Khomeiny, devint subitement un odieux tyran contre qui les Usa partirent en guerre. Et aujourd’hui, comme alors, les « intérêts et valeurs » sont mis en jeu quand entre en jeu la possession du pétrole.

4) « Le rôle de l’Amérique (USA, NDT) sera limité : nous n’enverrons pas de troupes terrestres en Libye ». Les Etats-Unis ont déjà suivi cette voie en Irak, « mais le changement de régime a requis huit années, des milliers de vie américaines (étasuniennes) et irakiennes, et une dépense de presque mille milliards de dollars : c’est quelque chose que nous ne pouvons pas nous permettre de répéter en Libye ». La leçon irakienne enseigne donc aux USA de ne pas s’embourber, seuls ou presque,  dans une guerre de longue durée, comme le fut celle du Vietnam. D’où la conclusion.

5) « Les Etats-Unis, étant la nation la plus puissante du monde, seront souvent appelés à l’aide. Mais le leadership américain (étasunien) n’est pas simplement d’aller seuls et prendre toute la charge sur nos épaules. Le véritable leadership est de travailler avec les alliés, de façon à ce qu’eux aussi portent leur part du poids et payent leur part des coûts ». Ceci, souligne Obama, « est le type de leadership que nous avons montré en Libye ». Le passage du commandement des Etats-Unis à l’OTAN (toujours sous commandement Usa), qui advient officiellement aujourd’hui, implique que « le risque et le coût de l’opération seront réduits significativement pour les militaires et les contribuables étasuniens ». Par contre, ils augmenteront  significativement pour les militaires et les contribuables des pays alliés, Italie (et France, NdT) comprise(s). Il reviendra aux alliés d’envoyer des troupes terrestres en Libye, dans une guerre épuisante de type irakien conduite sous leadership étasunien.


Edition de mercredi 30 mars 2011 de il manifesto

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio