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Derrière l’attaque contre la Libye les stratégies de la guerre économique
par Manlio Dinucci
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Le 1 mai 2011
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L’invasion
de la Libye, contrairement à ce qui se dit, a déjà commencé. Sont en
train de l’effectuer les unités d’assaut qui, opérant depuis longtemps
sur le territoire libyen, ont préparé la guerre : ce sont les puissantes
compagnies pétrolières et les banques d’investissement étasuniennes et
européennes.
Quels sont les intérêts en jeu ? Cela émerge d’un article du Wall Street Journal, le réputé quotidien d’affaires et de finance (For West's Oil Firms, No Love Lost in Libya).
Après l‘abolition des sanctions en 2003, les compagnies pétrolières
occidentales ont afflué en Libye avec de grandes attentes, mais ont été
déçues. Le gouvernement libyen, sur la base d’un système connu sous le
nom d’Epsa-4, concédait les licences d’exploitation aux compagnies
étrangères qui laissaient à la compagnie étatique (National Oil Corporation of Libya, Noc)
le pourcentage le plus élevé du pétrole extrait : étant donnée la forte
compétition, ce pourcentage arrivait à environ 90%. « Les contrats
Epsa-4 étaient ceux qui, à l’échelle mondiale, contenaient
les termes les plus durs pour les compagnies pétrolières », dit Bob
Fryklund, auparavant président de la société étasunienne ConocoPhillips
en Libye.
Les
raisons apparaissent ainsi clairement -par une opération décidée non pas
à Bengazi mais à Washington, Londres et Paris- de la création par le
Conseil national de transition de la « Libyan Oil Company » : un involucre vide, semblable à une des sociétés clé en mains, prêtes pour les investisseurs dans les paradis fiscaux. Elle
est destinée à se substituer à la Noc, quand les « volontaires » auront
pris le contrôle des zones pétrolifères. Sa mission sera de concéder
des licences à des conditions extrêmement favorables pour les compagnies
étasuniennes, britanniques et françaises. Seraient par contre
pénalisées les compagnies qui, avant la guerre, étaient les principales
productrices de pétrole en Libye : avant tout l’Eni (Société nationale des hydrocarbures, italienne, NdT)
qui a payé en 2007 un milliard de dollars pour s’assurer les
concessions jusqu’en 2042, et l’allemande Wintershall qui venait au
deuxième rang. Plus pénalisées encore seraient les compagnies russes et
chinoises, à qui Kadhafi a promis le 14 mars (2011) de donner les
concessions pétrolières retirées aux compagnies européennes et
étasuniennes. Les plans des « volontaires » prévoient aussi la
privatisation de la compagnie d’Etat, qui serait imposée par le Fond
Monétaire International en échange d’ « aides » pour la reconstruction
des industries et infrastructures détruites par les bombardements des «
volontaires » mêmes.
Logo de la Libyan Oil Company Il apparaît aussi clairement pourquoi a été créée, en même temps, à Bengazi, la « Central Bank of Libya », autre involucre vide mais avec une mission future importante : celle de gérer formellement les fonds souverains libyens -plus de 150 milliards de dollars que l’Etat libyen avait investi à l’étranger- quand ils seront « dégelés » par les Etats-Unis et par les plus grandes puissances européennes. Qui les gèrera effectivement est démontré par le colosse bancaire britannique Hsbc, principal « gardien » des investissements libyens « congelés » au Royaume Uni (environ 25 milliards d’euros) : une équipe de hauts fonctionnaires Hsbc est déjà au travail à Bengazi pour lancer la nouvelle « Central Bank of Libya ». Il sera facile pour Hsbc et d’autres grandes banques d’investissement d’orienter les investissements libyens en fonction de leurs stratégies. Un de leurs objectifs est de couler les organismes financiers de l’Union africaine, dont la naissance a été rendue possible en grande partie par les investissements libyens : la Banque africaine d’investissement, avec siège à Tripoli ; la Banque centrale africaine, siège à Abuja (Nigeria) ; le Fond monétaire africain, siège à Yaoundé (Cameroun). Ce dernier, avec un capital programmé à plus de 40 milliards de dollars, pourrait supplanter en Afrique le Fond monétaire international, qui a jusqu’à présent dominé les économies africaines en ouvrant la voie aux multinationales et aux banques d’investissement étasuniennes et européennes. En attaquant la Libye, les « volontaires » (1) essaient de couler les organismes qui pourraient un jour rendre possible l’autonomie financière de l’Afrique.
Edition de dimanche 1er mai 2011 de il manifesto
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
(1) L'auteur se réfère ici à la communauté internationale. |