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Qui était Oussama ben Laden ? La vérité derrière le 11 septembre 2001
par Michel Chossudovsky
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Le 2 mai 2011
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À
l'occasion de l'annonce officielle de la mort d'Oussama ben Laden ,
nous publions à nouveau cet article publié pour la première fois sur
Global Research le 12 septembre 2001.
Note de l'auteur. Cet article fut rédigé le jour même des attaques. Il fut publié en anglais par Global Research le 12 septembre 2001. Quelques heures après les attaques terroristes du 11 septembre au World Trade Center et au Pentagone, l'administration Bush concluait, sans preuve à l'appui, qu'Oussama ben Laden et son organisation, Al-Qaeda, étaient les suspects les plus probables. Le directeur de la CIA, George Tenet, déclarait que ben Laden « a la capacité de planifier plusieurs attaques sans avertissement ». Le secrétaire d'État Colin Powell qualifiait de son côté les attaques à Washington et à New York de « déclaration de guerre », ce que George Bush confirmait dans son discours à la nation le soir même en affirmant qu'il ne « fera aucune distinction entre les terroristes qui ont commis ces actes et ceux qui les ont soutenu ». L'ancien directeur de la CIA James Woolsey insinuait pour sa part la complicité de un ou plusieurs gouvernments étrangers. Et l'ancien conseiller à la sécurité nationale Lawrence Eagelberger déclarait dans une entrevue télévisée: « Je crois que nous allons démontrer que, lorsque nous sommes attaqués de cette façon, nous pouvons réagir d'une manière brutale avec force et détermination » (« we are terrible in our strength and in our retribution »).
Suite aux déclarations officelles,
les médias occidentaux n'ont pas tardé (sans preuves à l'appui) à
approuver le déclenchement d'actions punitives contre des cibles civiles
au Moyen-Orient et en Asie centrale. William Saffire écrivait à ce
propos dans le New York Times : « Lors que nous aurons raisonnablement
pu déterminer la localisation des bases et des camps de nos attaquants,
nous devrons les pulvériser - en minimisant mais également en acceptant
les risques de dommages collatéraux. Nous devrons agir par des
opérations [militaires] directes mais également par des actions en
sous-main [de nos services de renseignement], afin de déstabiliser les
États hôtes de la terreur. »
Le texte ci-dessous a pour object
d'analyser l'histoire d'Oussama ben Laden et des liens entre la Jihad
islamique et la politique étrangère des États-Unis depuis la Guerre
froide.
Le premier suspect des attaques de New-York et Washington, le Saoudien Oussama ben Laden, qui est déjà désigné comme un « terroriste international « par le FBI pour son rôle présumé dans le bombardement d'ambassades étatsuniennes en Afrique, ironiquement fut au point de départ recruté par la CIA pour combattre les Soviétiques durant la guerre soviéto-afghane. 1
En 1979, la « plus grande opération secrète de
l'histoire de la CIA » fut lancée en réponse à l'invasion de
l'Afghanistan par les Soviétiques afin de soutenir le gouvernement
pro-communiste de Babrak Kamal. 2
La Jihad islamique était appuyée les États-Unis et
l'Arabie saoudite, une grande partie du financement provenant du
commerce de la drogue dans le Croissant fertile.
La CIA, utilisant les services de renseignement
pakistanais, jouait un rôle clé dans l'entraînement des Mujahideen. À
son tour, la guérilla soutenue par la CIA fut intégrée avec les
enseignements de l'Islam :
Le réseau des services de renseignement pakistanais
Les Service de renseignement pakistanais - Inter
Service Intelligence (ISI) - furent utilisés comme « intermédiaire ».
L'appui de la CIA à la Jihad fut réalisé par l'entremise de la ISI,
c'est-à-dire que la CIA ne faisait pas parvenir son appui directement
aux Mujahideen. En d'autres mots, afin de garantir le « succès » de ces
opérations en sous-main, Washington avait pris soin de ne pas révéler
l'objectif ultime de la Jihad, qui consistait à détruire l'Union
soviétique.
Selon l'expression de Milton Beardman, de la CIA,
cette agence « n'a pas entraîné les Arabes » en tant que tel. Cependant
d'après Abdel Monam Saidali, du Centre Al-Aram d'études stratégiques du
Caire, ben Laden et les « Arabes afghans » avaient reçu « par
l'entremise de la CIA, un entraînement [militaire] très sophistiqué et
spécialisé [dans différents champs d'application] ». 6
Beardman confirme néeanmoins qu'Oussama ben Laden
n'était pas conscient du rôle qu'il jouait pour Washington : « Ni moi
[ben Laden], ni mes frères n'avions pu observer une quelqonque aide
américaine. » 7
Motivés par le nationalisme et la ferveur religieuse,
les guerriers islamiques n'étaient guère conscients qu'ils se battaient
contre l'Union soviétique pour le compte de l'« Oncle Sam ». Alors que
des contacts furent établis et entretenus aux échelons supérieurs des
services de renseignement, les commandants des rebelles islamiques sur
le terrain n'avaient aucun lien direct avec Washington ou la CIA. Avec
le soutien de la CIA et l'aide militaire américaine, la Inter Services
Intelligence (ISI) pakistanaise s'est rapidement transformée en une
« structure parallèle exerçant d'énormes pouvoirs sur tous les aspects
de gouvernement ». 8 La ISI possédait un personnel, composé de
militaires, d'agents de renseignement, de bureaucrates, d'agents doubles
et d'informateurs, estimé à 150 000 personnes. 9 Entre-temps, les
opérations de la CIA contribuaient également à renforcer le régime
militaire pakistanais dirigé par le général Zia Ul Haq :
Le croissant d'or de la drogue
L'histoire du commerce de la drogue en Asie centrale
est intimément liée aux activités secrètes de la CIA. Avant la guerre
URSS-Afghanistan, il n'y avait pour ainsi dire presque pas de production
locale d'héroïne.11 À cet égard, l'étude d'Alfred McCoy confirme que,
durant les premières années des opérations de la CIA en Afghanistan,
« les territoires près de la frontière pakistano-afghane devenaient le
principal fournisseur d'héroïne pour le marché mondial, répondant à 60 %
de la consommation d'héroïne au États Unis. Au Pakistan, le nombre de
personnes dépendantes de l'héroïne est passé de près de zéro en 1979 à
[...] 1,2 million en 1985 - un accroissement beaucoup plus grand que
celui connu par n'importe quel autre pays. » 12
Au lendemain de la Guerre froide
Au lendemain de la Guerre froide, la région de l'Asie
centrale n'est pas seulement stratégique pour ses réserves de pétrole :
elle fournit à elle seule les trois quarts de la production mondiale
d'opium, ce qui représente un revenu de plusieurs milliards de dollars
pour les milieux d'affaires, les institutions financières et bancaires
impliquées dans le lavage de l'argent sale, les agences de renseignement
et le crime organisé. Le commerce de la drogue dans le croissant d'or
rapporte entre 100 et 200 milliards USD par année, soit environ le tiers
du chiffre d'affaire annuel du commerce mondial de la drogue (heroïne,
cocaine, etc), évalué (sans compter les retombéees dans d'autres
secteurs d'activité) par les Nations unies à environ 500 milliards USD.
14
Avec la désintégration de l'URSS, la production de
l'opium avait pris un essor considérable. Selon les estimations des
Nation unies, la production afghane d'opium en 1998-1999 - dates qui
coïncident avec le développement d'insurrections armées dans les
anciennes républiques soviétiques - avait atteint un niveau record, avec
4 600 mètres cube de production. 15 De puissants groupes d'affaires de
l'ex-URSS alliés avec le crime organisé se font concurrence pour le
contrôle stratégique des « routes de l'héroïne ».
Le vaste réseau militaire des Services des
renseignement pakistanais ne fut pas démantelé au lendemain de la Guerre
froide. Par aillerus, la CIA continuait d'appuyer la Jihad islamique
par l'entremise du Pakistan. De nouvelles initiatives secrètes furent
lancéees en Asie centrale, dans le Caucase et dans les Balkans.
L'appareil militaire ainsi que les Services de renseignement pakistanais
ont essentiellement « servi de catalyseur pour la désintégration de
l'URSS et l'émergence de six républiques musulmanes en Asie centrale ».
16
En parallèle avec ces actions en sous-main de la CIA,
des missionnaires islamiques de la secte Wahhabi d'Arabie saoudite
s'étaient installés dans ces républiques, de même qu'à l'intérieur de la
Fédération russe, empiétant sur les institutions de l'État et de la
sociéte civile. En dépit de leur idéologie « anti-ÉUA », les actions
fondamentalistes islamiques ont pourtant servi les intérêts stratégiques
de Washington en ex-URSS...
La guerre civile afghane s'est poursuivie suite à la
retraite des forces soviétiques en 1989. Les Talibans avaient reçu
l'appui des Deobandis pakistanais et de leur parti politique, le Jamiat
ul Ulema e Islam (JUI). En 1993, le JUI s`était joint à la coalition du
premier ministre Benazzir Bhutto. Des liens furent établis entre le JUI,
l'armée et les Services des renseignements. En 1995, avec la chute du
gouvernement Hezb i Islami de Hekmatyar, à Kaboul, les Talibans ont non
seulement instauré un gouvernement islamique intégriste, mais ont aussi
« confié le contrôle des camps d'entraînement afghans à des factions du
JUI ». 17
Et le JUI, avec l'appui du mouvement Wahhabi, a joué
un rôle majeur dans le recrutement de Mujahideen pour les Balkans et
dans l'ex-URSS. Jane Defense Weekly confirme à cet égard que « la moitié
des hommes et de l'équipement des Talibans provient des Services des
renseignement pakistanais ». 18
En fait, il semblerait que, suite au retrait des
troupes soviétiques, les differentes formations armées dans la guerre
civile en Afghanistan ont continué à recevoir une aide en sous-main de
la CIA par le biais des Services de renseignement pakistanais. 19
En d'autres mots, soutenus par l'ISI pakistanais
lui-même contrôlé par la CIA, l'État islamique taliban a grandement
servi les intérêts géopolitiques de Washington. Le commerce de la drogue
dans le Croissant fertile a également servi à financer et équiper
l'Armée musulmane bosniaque, dès le début des années 1990, et l'Armée de
libération du Kosovo (UCK). Au cours des derniers mois, des mercenaires
Mujahideen combattaient dans les rangs des terroristes de l'UCK
impliquée dans la guerre civile en Macédoine. Et il est avéré que l'UCK
est non seulement appuyé par l'Otan, mais elle est également en partie
financée par la mission des Nations unies au Kosovo.
Cela explique sans l'ombre d'un doute pourquoi
Washington a fermé les yeux sur le règne de terreur imposé par les
Talibans, impliquant notamment des dérogations flagrantes aux droits des
femmes, la fermeture des écoles de filles, le congédiement des
employées de la fonction publique et l'imposition de la « loi pénale de
la Sharia ». 20
La guerre en Tchétchénie
Les principaux leaders rebelles en Tchétchénie,
Shamil Basayev et Al Khattab, ont reçu leur formation militaire et
idéologique dans des camps d'entrainement financés par la CIA en
Afghanistan et au Pakistan. Selon Yossef Bodansky, directeur du US
Congress's Task Force on Terrorism and Unconventional Warfare, la guerre
tchétchène fut planifiée durant un réunion secrète de Hizb Allah, tenue
en 1996 à Mogadishu, en Somalie. 21 De nombreux cadres supérieurs des
Services de renseignement iranienne et pakistanaise, ont participé à
cette réunion, à laquelle Oussama bin Laden était également présent. Le
rôle de la ISI pakistanaise dans la guerre civile en Tchétchénie « va
beaucoup plus loin que l'approvisionnement des Tchétchènes en armes et
en expertise : les Service de renseignement pakistanais et ses
mandataires islamiques radicaux sont en réalité ceux qui dirigent cette
guerre ». 22
Le principal oléoduc russe traverse la Tchétchénie et
le Daghestan. N'eut égard aux condamnations de pure forme du terrorisme
islamique par Washington, les bénéficiaires indirects de la guerre
tchétchène sont les géants pétroliers anglo-américains luttant pour le
contrôle des ressources pétrolières et des oléoducs dans le bassin de la
mer Caspienne.
Les deux principales armées rebelles tchétchènes
(respectivement dirigées par le commandant Shamil Basayev et par l'émir
Khattab), estimées à 35 000 hommes, furent financées par les Services
des renseignement pakistanais. La ISI a aussi joué un rôle clé dans
l'organisation et l'entraînement de l'armée rebelle tchétchène :
Suite à son entraînement et son endoctrinement,
Basayev fut affecté pour mener un campagne militaire contre les troupes
fédérales russes lors de la première guerre tchétchène de 1995. Son
organisation avait également développé des liens étroits avec les
consortiums criminels moscovites et avec le crime organisé albanais et
l'UCK. En 1997-1998, selon le Service de la sécurité fédérale russe,
« les seigneurs de guerre tchétchènes ont commencé à investir dans
l'immobilier au Kosovo [...] par l'intermédiaire de plusieurs firmes
immobilières enregistrées en Yougoslavie en guise de couverture ». 24
L'organisation de Basayev fut également impliquée
dans bon nombre de trafics, notamment les narcotiques, l'exploitation
illégale et les sabotages d'oléoducs russes, le kidnapping, la
prostitution, le commerce de faux dollars et la contrebande de matériaux
nucléaires. 25 Avec le blanchiment de l'argent de la drogue, les
profits de ces activités criminelles furent également utilisés pour
financer le recrutement de mercenaires et l'achat d'armes.
Pendant son entraînement en Afghanistan, Shamil
Basayev s'est lié avec le commandant vétéran saoudien Mujahideen Al
Khattab qui avait combattu en Afghanistan. Quelques mois après le retour
de Basayev à Grozny, début 1995, Khattab fut invité à créer une armée
installée en Tchétchénie pour l'entraînement de combattants Mujahideen.
Selon la BBC, le voyage de Khattab en Tchétchénie fut « planifié grâce à
l'appui de la Islamic Relief Organisation (IRO) basée en Arabie
saoudite qui avait expédié des fonds en Tchétchénie. La IRO était
financée par des mosquées ainsi que des dons de riches individus
[associés aux milieux d'affaires saoudiens]. » 26
En conclusion
Depuis l'ère de la Guerre froide, Washington a
sciamment soutenu Oussama ben Laden, tout en le plaçant sur la liste des
« personnes les plus recherchées par le FBI ».
Alors que les Mujahideen sont impliqués dans des
insurrection armées pour le compte des États-Unis dans les Balkans et en
ex-URSS, le FBI, a pour mandat de mener aux États-Unis de mener une
guerre au terrorisme. De toute évidence, il s'agit là non seulement
d'actions contradictoires mais d'une politique qui s'avère mensongère à
l'endroit des citoyens. Car la CIA depuis la guerre URSS-Afghanistan,
appuie le terrorisme international par l'entremise de ses opérations
secrètes.
Cruelle ironie, la même Jihad islamique, présentée
par l'administration Bush comme « une menace contre l'Amérique »
responsable des assauts terroristes contre le World Trade Center et le
Pentagone constitue un instrument clé des opérations militaires
stratégiques de Washington dans les Balkans et en ex-URSS.
Au lendemain des attaques terroristes de New York et
de Washington, la vérité sur les liens entre le gouvernment américain et
le terrorisme international doivent être devoilés à l'opinion publique
afin d'empêcher l'administration Bush et ses partenaires de l'Otan de se
lancer dans une aventure militaire qui menace l'avenir de l'humanité.
Notes
Article original en anglais: http://www.globalresearch.ca/index.php?context=va&aid=368 texte original Version française: L'aut'journal, Montréal, octobre 2001 | |