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La mission secrète des médias dominants
« Révélations » médiatiques:
l’OTAN a armé les rebelles libyens
par Julie Lévesque
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Le 25 fevrier 2012
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Après
avoir moussé la propagande de guerre contre la Libye de Mouammar
Kadhafi, les médias dominants occidentaux feignent désormais la
neutralité en « révélant » des faits ayant déjà été l’objet de nombreux
reportages dans la presse alternative dès le début des combats l’an
dernier : les pays de l’OTAN ont armé l’insurrection en Libye, assurant
ainsi leur victoire, et les bombardements de l’Alliance ont tué des
civils.
Le New York Times
constitue LA référence médiatique occidentale. Pourtant, le quotidien
est tristement célèbre pour avoir eu des liens étroits avec la CIA. En
octobre 1977, Carl Bernstein écrivait dans le Rolling Stone : « De
toutes ces associations [avec la CIA], les plus précieuses étaient de
loin celles avec le New York Times, CBS et Time Inc. » (Carl Bernstein, The
CIA And The Media. How Americas Most Powerful News Media Worked Hand in
Glove with the Central Intelligence Agency and Why the Church Committee
Covered It Up, Rolling Stone, 20 octobre 1977.)
La propagande de la journaliste du Times,
Judith Miller, sur les armes de destruction massive irakiennes, pivot
de la propagande de guerre contre l’Irak avant l’invasion de 2003,
constitue une preuve plus récente de la désinformation véhiculée par ce
quotidien faisant figure d’autorité dans la sphère médiatique.
En décembre dernier, une fois le gouvernement fantoche de l’OTAN installé en Libye, le New York Times,
simulant la neutralité journalistique, « révélait » ce qu’il avait
ignoré avant la chute du régime de Kadhafi : « Un nombre inavoué de
civils victimes des frappes de l’OTAN en Libye. » (C. J. Chivers et Eric
Schmitt, In Strikes on Libya by NATO, an Unspoken Civilian Toll, New York Times, 17 décembre 2011.)
Le
bombardement par l’OTAN d’infrastructures civiles avait déjà fait
l’objet d’un reportage vidéo de notre correspondant en Libye, Mahdi
Darius Nazemroaya, quatre mois auparavant, en août 2011 : « Détrompez-vous : L’OTAN a commis des crimes de guerre en Libye ».
Tactique semblable à celle du Times
du côté de la BBC. Elle « révélait » en janvier 2012 comment les forces
spéciales britanniques s’étaient mêlées aux rebelles libyens sur le
terrain dans le cadre d’une mission clandestine. Dans un article
intitulé « La vérité sur la mission secrète de la Grande-Bretagne pour
vaincre Kadhafi », la BBC prétend nous apprendre en 2012 que « des
forces spéciales britanniques ont été déployées sur le terrain dans le
but d’aider les alliés de la Grande-Bretagne, souvent appelés le Conseil
national de transition ou CNT ». (Mark Urban, Inside Story of the UK's secret mission to beat Gaddafi, BBC, 19 janvier 2012.)
Dix
mois auparavant, le 7 mars 2011, le Centre de recherche sur la
mondialisation publiait sur son site anglophone le texte de Michel
Chossudovsky « Insurrection et intervention militaire: Tentative de coup d'État des États-Unis et de l'OTAN en Libye? »,
indiquant la présence des commandos britanniques en sol libyen. Publié
près d’un an plus tard, le récit de la BBC est loin du scoop.
Les médias canadiens suivent aussi cette tendance. Cette semaine, The Gazette,
quotidien montréalais, publiait également un texte plus approprié aux
manuels d’histoire qu’aux manchettes de journaux, « La guerre secrète de
l’OTAN contre Kadhafi », où l’on nous « informe »
qu’« [o]fficiellement, les forces internationales ne devaient pas
prendre partie » mais qu’« en réalité elles ont joué un rôle clé dans la
victoire des rebelles ». (David Pugliese, NATO's secret war against Gadhafi, Postmedia News, 21 février 2012)
Il suffit de jeter au coup d’œil au mois de mars 2011 dans le dossier de Mondialisation.ca sur le « printemps arabe » pour voir que les médias indépendants ont publié ces informations depuis longtemps.
Si des organisations à budget restreint et des réseaux étrangers à grande écoute comme Russia Today
ont eu accès à ces informations cruciales et les ont publiées avant
même l’intervention de l’OTAN, comment des institutions comme la BBC et
le New York Times, aux ressources considérables, peuvent-elles les avoir ignorées?
La
seule explication possible est qu’elles l’ont fait sciemment dans le
but de tromper l’opinion publique. Si ces informations avaient été
révélées à l’époque dans les médias mainstream occidentaux,
la fabrication du consensus favorable à l’intervention militaire de
l’OTAN en Libye aurait probablement échoué. Avant et pendant
l’intervention de l’OTAN, ces faits auraient nuit à la propagande de
guerre diabolisant le gouvernement libyen, glorifiant le soulèvement
armé et l’intervention « humanitaire » de l’OTAN. Publiées aujourd’hui,
ils n’ont plus d’impact et ne visent qu’à camoufler la propagande de
guerre en simulant l’objectivité.
Le
but de ce simulacre de neutralité vise à conférer à ces médias une aura
de crédibilité. Toutefois, une telle tactique de manipulation de
l’opinion publique a, pour ainsi dire, des « effets collatéraux ». Cette
duperie représente une preuve concrète de la « mission secrète » des
médias occidentaux dominants : faire de la propagande de guerre en
alliant la censure à la manipulation orwellienne de l’horreur et de la
vertu, en créant un univers manichéen de bons et de méchants où les pays
occidentaux, autrefois colonialistes et esclavagistes, sont devenus les
libérateurs, les sauveurs de l’humanité. La réalité est tout autre.
Cet acte constitue non seulement un véritable « viol psychique des foules » mais également une violation flagrante du droit international.
L’Article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par les Nations Unies en 1976 stipule: « Toute propagande en faveur de la guerre est interdite par la loi. »
Or,
que ce soit en France, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, au Canada ou
dans d’autres pays de l’OTAN, les médias dominants ont favorisé les
rebelles libyens et diabolisé Kadhafi sans égards aux faits disponibles à
l’époque et qu’ils publient aujourd’hui, une fois que l’OTAN a mis son
pantin au pouvoir. Cela ne laisse aucun doute, il ne peut s’agir que de
propagande de guerre. Si l’OTAN est responsable de crime de guerre, les
médias occidentaux qui véhiculent leur propagande le sont tout autant.
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