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SYRIE: Pour la libération de nos compatriotes et confrères prisonniers à Baba Amr
par Thierry Meyssan
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Le 26 fevrier 2012
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voltairenet.org - 2012-02-25
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Plusieurs
journalistes sont retenus dans la zone close de Baba Amr. Selon les
dirigeants atlantistes, ils sont empêchés d’en sortir par l’armée
syrienne qui pilonnerait le bastion rebelle. Présent sur place et témoin
privilégié des négociations, Thierry Meyssan rend compte de la réalité :
les journalistes sont prisonniers de l’Armée « syrienne » libre qui les
utilise comme boucliers humains. Le Croissant Rouge syrien a été
empêché par les rebelles de les évacuer.
Édith Bouvier et William Daniels
Nos confrères Marie Colvin (Sunday Times) et Rémi
Ochlik (IP3 Presse) ont été tués mercredi 22 février 2012 dans la zone
rebelle à l’intérieur de Homs.
Selon des agences de presse occidentales citant
l’Armée « syrienne » libre, ils ont été victimes du pilonnage du
quartier par les forces de Damas. Cependant, l’Armée nationale n’a fait
usage de lanceurs de roquettes multiples que pendant une très courte
période pour détruire des postes de tir, et à aucun moment après le 13
février. En outre, si la ville était pilonnée depuis 21 jours, comme
l’indiquent les agences de presse, il y a longtemps qu’elle ne serait
plus qu’un tas de ruine sans âme qui vive.
Au moins trois autres journalistes sont encore
présents dans la zone rebelle : Édith Bouvier (Le Figaro Magazine),
William Daniels et Paul Conroy (Sunday Times), ainsi que probablement un
quatrième de nationalité espagnole.
Dans une vidéo postée sur Internet, Édith Bouvier,
qui est blessée à la jambe, et William Daniels appellent à un
cessez-le-feu et à leur évacuation vers un hôpital au Liban.
Immédiatement, une intense campagne de communication a été organisée en
leur faveur, incluant la création de plusieurs groupes Facebook et de
tonitruantes déclarations d’Alain Juppé.
Il n’y a plus de couverture GSM ou G3 à Homs, et les lignes téléphoniques filaires de la zone rebelle sont coupées.
Il n’échappera à personne que si les journalistes ont
pu uploader une vidéo pour appeler au secours, c’est qu’ils ont
bénéficié d’une liaison satellite. Et s’ils n’ont pas pu téléphoner à
leurs proches, à leurs employeurs et à leurs ambassades, c’est que ceux
qui détiennent cette liaison satellite le leur ont refusé. Ils ne sont
donc pas libres de leurs mouvements, mais détenus prisonniers.
Pour comprendre cette séquestration, il convient de la replacer dans son contexte.
La situation militaire
Les généraux syriens ont considéré la bataille de
Homs gagnée dès le 13 février et ont rendu compte au président Bachar
el- Assad qu’elle était terminée, jeudi 23 février à 19h.
La victoire n’a pas le même sens pour les civils et
les militaires. Les premiers rêvent d’un retour à une vie paisible. Les
seconds la proclament à la manière dont un chirurgien annonce qu’il a
réussi une opération. Il n’en reste pas moins que le blessé est encore
astreint à des mois de soins et à des années de rééducation.
Concrètement, la fin de la bataille signifie pour eux que les rebelles
sont isolés dans une zone entièrement ceinturée et ne représentent plus
de danger pour le pays.
Les principales artères de la ville sont rouvertes à
la circulation, mais elles sont hérissées de chicanes sur des
kilomètres. Les voitures ne peuvent qu’avancer au pas en zigzaguant. La
ville, vidée de la grande majorité de ses habitants, reste une ville
fantôme.
La bataille de Homs s’est déroulée en trois temps :
Les premiers jours, les troupes syriennes ont été empêchées d’entrer
dans les quartiers rebelles par des tirs de missiles antichars,
notamment des missiles Milan. Puis, les troupes syriennes ont bombardé
les postes de tir anti-chars, au prix d’importantes pertes collatérales
parmi leurs concitoyens, tandis que les rebelles se sont repliés dans
une zone unique qu’ils se sont appropriée.
Enfin, les troupes ont ceinturé le bastion rebelle,
sont entrées à l’intérieur et ont commencé à libérer chaque rue, une à
une. Pour éviter d’être pris à revers, l’armée syrienne avance en ligne,
ce qui ralentit sa progression.
La zone encerclée était jadis habitée par 40 000
personnes. Elle abrite aujourd’hui un nombre indéterminé de civils,
surtout des vieillards qui n’ont pas pu fuir à temps, et environ 2 000
combattants de l’Armé « syrienne » libre. Derrière ce label, on trouve
des groupes rivaux répartis en deux tendances principales : d’un côté
les takfiristes, qui considèrent non seulement que la démocratie est
incompatible avec l’islam, mais que les alaouites (dont Bachar el-Assad)
sont des hérétiques et qu’ils doivent être privés de toute
responsabilité politique en terre musulmane ; de l’autre côté des repris
de justice qui avaient été recrutés pour renforcer la dite Armée «
syrienne » libre. Ces gangs, n’étant plus payés, ont repris leur
autonomie et n’ont pas la même logique que les takfiristes. La plupart
des combattants étrangers ont quitté Homs avant le bouclage du bastion.
ils se regroupent actuellement dans le Nord du pays, dans le district de
Idlib.
L’ensemble des rebelles de Baba Amr dispose d’un
stock considérable d’armes et de munitions, mais dans la situation
actuelle, ils ne sont plus réapprovisionnés et finiront un jour ou
l’autre par devoir se rendre –sauf, intervention militaire étrangère–.
Leurs arsenaux incluent des fusils Dragunov-snipers à vision nocturne
aussi bien que des mortiers de 80 et 120 mm et quantités d’explosifs.
Ils ont aménagé des entrepôts dans des sous-sols et ont parfois
constitué des caches d’armes dans des égouts. Contrairement à ce qui a
été dit, ceux-ci sont des boyaux trop étroits pour leur permettre de
circuler. De même, les tunnels qui ont été creusés à l’époque où ils
disposaient de la protection de l’ex-gouverneur de Homs, ne sont plus
ventilés et ne peuvent donc plus être utilisés. L’ex-gouverneur, quant à
lui, s’est réfugié depuis longtemps au Qatar où il jouit paisiblement
du salaire de sa trahison.
La population a soutenu un moment les rebelles, mais
leur sert aujourd’hui de bouclier humain. Les civils qui veulent fuir
sont abattus par des francs-tireurs. Ils n’ont aucun moyen de
se révolter, d’autant que la plupart sont âgés.
On peut penser qu’à moyen terme, la division de
l’Armée « syrienne » libre, l’absence de soutien populaire, et la perte
d’espoir en des renforts internationaux conduira une partie des rebelles
à se rendre. Cependant, les takfiristes pourraient décider de se battre
jusqu’à la mort.
Pour le moment, les rebelles empêchent les civils de
fuir leur zone et dynamitent les maisons vides, au rythme d’environ une
dizaine par jour. En outre des commandos, situés hors de la zone
bouclée, harcèlent les campements de l’armée régulière pour la
désorganiser et desserrer l’étau. Ils recourent pour cela principalement
à des voitures piégées, ce qui est rendu possible par la réouverture
des rues, et explique le maintien des chicanes.
Baba Amr n’est pas pilonnée. Les seuls bombardements
qui subsistent sont des tirs de mortiers des rebelles contre l’armée
nationale.
La situation des journalistes
Les journalistes présents dans le quartier rebelle
sont regroupés dans un même appartement, qualifié de « centre de presse
», dont la localisation précise est inconnue.
Ils sont entrés illégalement en Syrie, alors qu’ils
auraient pu solliciter et auraient tous obtenu un visa de presse, à
l’exception de ceux qui ont la nationalité israélienne du fait de l’état
de guerre entre les deux pays.
Leur transport à Homs a été organisé par une filière
unique, soit depuis le Nord du Liban, soit depuis le Sud de la Turquie.
Cette filière joue le rôle d’Office de relations publiques de l’Armée «
syrienne » libre. C’est elle qui les a mis en contact avec les personnes
qui les hébergent, et dont l’identité est imprécise.
Vendredi 24, la Croix-Rouge internationale et le
Croissant- Rouge syrien ont négocié avec l’Armée « syrienne » libre par
l’intermédiaire du poste du Croissant-Rouge qui fonctionne à l’intérieur
de la zone bouclée. Ils ont obtenu l’autorisation de pénétrer dans la
zone avec des ambulances pour rapatrier les corps des deux journalistes
morts, et pour évacuer les journalistes restants qu’ils soient blessés
ou sains. Cependant, au dernier moment, les journalistes ont refusé de
partir, craignant d’être victimes d’un piège tendu par les autorités de
Damas. Ils ont en effet été convaincus par un de leurs collègues
français qui a quitté les lieux avant le bouclage que le gouvernement
syrien mettrait tout en œuvre pour les éliminer. En outre, n’ayant accès
qu’aux chaînes de télévision satellitaires de l’OTAN et du CCG, ils
sont persuadés que les combats dont ils sont victimes ne se limitent pas
à leur quartier, mais s’étendent à toute la Syrie.
Au moment de partir, les ambulances étant vides, le
Croissant- Rouge syrien a été autorisé à évacuer vingt-sept civils,
malades ou blessés, qui ont été transportés à hôpital al-Amine de Homs
(dans la partie libérée de la ville). Le bureau londonien des Frères
musulmans, connu sous l’appellation Observatoire syrien des Droits de
l’homme, selon lequel les hôpitaux sont devenus des centres de torture, a
fait courir la rumeur que plusieurs de ces blessés avaient été arrêtés
ultérieurement par la police syrienne. Après enquête, le Croissant-Rouge
a indiqué que ces imputations sont absolument fausses.
Samedi 25, la Croix-Rouge internationale et le
Croissant-Rouge syrien ont demandé à l’Armée « syrienne » libre
l’autorisation de rentrer à nouveau dans la zone. Présent sur place, je
me suis mis à disposition des autorités pour faciliter l’extraction de
mes compatriotes et de mes confrères. Les négociations ont duré plus de
quatre heures. Plusieurs États, dont la France, ont été tenus informés
du déroulement des événements.
Après divers rebondissements, les officiers de
l’Armée « syrienne » libre ont reçu par liaison satellite l’instruction
de refuser. Leurs communications cryptées avec leur hiérarchie
aboutissaient à Beyrouth ou étaient relayées via Beyrouth. De facto, les
journalistes sont utilisés comme des boucliers humains encore plus
efficace que la population civile, les rebelles craignant un assaut
final des forces syriennes.
Par conséquent, les journalistes sont désormais les
prisonniers des commanditaires de l’Armée « syrienne » libre, ceux-là
même que les « Amis » de la Syrie, réunis en conférence à Tunis, ont
appelé à soutenir, à financer et à armer.
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