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Un président en guerre
par Danilo Zolo
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Le 30 avril 2011
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Président de la République italienne, chef des Forces Armées, Giorgio Napolitano en compagnie de l’actuel président du conseil, Silvio Berlusconi (photo prise en février 2009) Source de la photo : http://news.bbc.co.uk/2/hi/7878270.stm J’ai récemment soutenu[1] que la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies, relative à la guerre civile en Libye, est dépourvue de fondement sur le plan du droit international. La Charte même des Nations Unies, à l’article 2, exclut que tout Etat membre puisse « intervenir dans des questions de compétence interne à un autre Etat ». Et il est évident que cette norme interdit, à plus forte raison, que puisse être utilisée la force pour intervenir à l’intérieur d’une guerre civile en cours. Ceci est d’autant plus évident s’il s’agit d’une guerre civile de proportions réduites, comme c’est le cas pour la Libye. Dans des cas comme celui-ci, la paix internationale n’est pas en danger et ceci exclut la compétence du Conseil de sécurité pour attribuer à n’importe quel Etat membre le droit d’utiliser la force.
J’insiste
sur cet argument pour une raison d’importance notable : l’intervention
militaire contre la Libye, voulue par les Etats-Unis et partagée par
certains pays européens, a été subitement passée à la compétence de
l’OTAN. Rien ne peut juridiquement être plus contestable étant donné que
l’OTAN est une organisation militaire nord-atlantique qui ne peut
utiliser la force au service des Nations Unies sans une décision
explicite du Conseil de sécurité. On ne devrait pas oublier que la
Charte des Nations Unies, dans son chapitre VII, attribue aux cinq
membres permanents du Conseil de sécurité -Etats-Unis, Grande-Bretagne,
France, Russie, Chine- le devoir de créer un Comité d’Etat Major sous sa
dépendance et responsable de la direction stratégique de toutes les
forces armées mises à sa disposition. L’OTAN n’a donc pas la moindre compétence.
Tout
ceci pourrait sembler évident, mais ne l’est pas quand on sait que le
Président de la République italienne, chef des Forces Armées, Giorgio
Napolitano, s’est rangé apertis verbis, en faveur de l’intervention
militaire de l’OTAN contre la Libye de Kadhafi. Il soutient qu’il est «
inutile de répéter des choses que tout le monde devrait savoir : la
Charte des Nations Unies prévoit un chapitre, le VII, qui, dans
l’intérêt de la paix retient que sont aussi à autoriser des actions avec
les forces armées destinées à réprimer les violations de la paix ».
En
réalité, il serait utile de répéter au Président de la République que :
la résolution 1973 en tant que telle n’attribue à aucun Etat et à aucune
organisation militaire le devoir de « faire la guerre » contre la
Libye. Le seul devoir -de toutes façons illégalement attribué- est
d’imposer la « no-fly zone », ce qui ne comporte pas le moins du monde
le bombardement de villes, villages, refuges souterrains etc., et la
tuerie de personnes sans défenses.
Mais
l’affaire ne s’arrête pas là. Nous avons appris hier (jeudi 28 avril,
NdT) que le Président de la République s’est ouvertement rangé en faveur
du gouvernement italien et en particulier de son leader Berlusconi. Il
en a approuvé la récente décision de satisfaire la volonté des
Etats-Unis : il s’agit de convertir la no-fly zone en une véritable
guerre d’agression, très probablement en vue d’une occupation non
désintéressée de la précieuse terre libyenne. Giorgio Napolitano a
approuvé la décision prise par le gouvernement italien de commencer les
bombardements aériens avec ses propres Tornado et ses propres missiles
anti-radar. Il a expliqué que l’ « ultérieur engagement de l’Italie en
Libye » n’est que « le développement naturel» du choix accompli par
l’Italie à la mi-mars sur la base de la résolution 1973 du Conseil de
sécurité. Un choix, ajoute le Président, « conforté par un ample consensus du Parlement italien ».
En
utilisant la formule « développement naturel», Napolitano semble ne pas
prendre en considération non seulement la Charte des Nations Unies, mais
aussi la Constitution italienne. Il ignore et contredit avant tout la
célèbre formule de l’art. 11 : « L’Italie répudie la guerre comme
instrument d’offense à la liberté des autres peuples et comme moyen de
résolution des controverses internationales »[2]. Et contredit l’art. 52
qui légitime l’utilisation de la force seulement en « défense de la
patrie ». Il ignore que l’art. 78 stipule que dans le cas où éclate une
guerre les Chambres doivent formellement délibérer « l’état de guerre »
et attribuer au Gouvernement les pouvoirs nécessaires. Et il ignore,
enfin, que l’art. 87 prescrit que ce soit le Président de la République
qui déclare formellement l’état de guerre délibéré par les Chambres. On
peut dire que le Président de la République semble ignorer la tragédie
de la guerre et ne pas se préoccuper de la vie de centaines, peut-être
de milliers, de personnes innocentes.
On
prétend depuis longtemps que l’actuel président du conseil, Silvio
Berlusconi, se contrefiche de la Constitution italienne et se propose de
la manipuler à ses usage et profit pour satisfaire, dans ce domaine
aussi, son ambition de dandy de la politique italienne et de prochain
président de la République. Il nous reste à espérer que Giorgio
Napolitano n’aille pas satisfaire aussi ce « développement naturel ».
Edition de samedi 30 avril de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20110430/manip2pg/01/manip2pz/302323/
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
[1]
Intervention en Libye : Une imposture criminelle, L’exaltation des
droits humains, la garantie de la sécurité et de la paix sont pure
rhétorique, Danilo Zolo. http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=23870
[2] Art.11: L'Italie
répudie la guerre comme instrument d'offense à la liberté des autres
peuples et comme moyen de résolution des controverses internationales;
consent, en condition de parité avec les autres États, aux limitations
de souveraineté nécessaires pour des règles qui assurent la paix et la
justice entre les Nations; promeut et soutient les organisations
internationales tendant vers ce but. http://fr.wikipedia.org/wiki/Constitution_de_l'Italie
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