Roberto Abraham Scaruffi

Saturday, 30 April 2011



Un président en guerre

Le 30 avril 2011



Président de la République italienne, chef des Forces Armées, Giorgio Napolitano en compagnie de l’actuel président du conseil, Silvio Berlusconi (photo prise en février 2009)

Source de la photo : http://news.bbc.co.uk/2/hi/7878270.stm


J’ai récemment soutenu[1] que la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies, relative à la guerre civile en Libye, est dépourvue de fondement sur le plan du droit international. La Charte même des Nations Unies, à l’article 2, exclut que tout Etat membre puisse « intervenir dans des questions de compétence interne à un autre    Etat ». Et il est évident que cette norme interdit, à plus forte raison, que puisse être utilisée la force pour intervenir à l’intérieur d’une guerre civile en cours. Ceci est d’autant plus évident s’il s’agit d’une guerre civile de proportions réduites, comme c’est le cas pour la Libye. Dans des cas comme celui-ci, la paix internationale n’est pas en danger et ceci exclut la compétence du Conseil de sécurité pour attribuer à n’importe quel Etat membre le droit d’utiliser la force. 
J’insiste sur cet argument pour une raison d’importance notable : l’intervention militaire contre la Libye, voulue par les Etats-Unis et partagée par certains pays européens, a été subitement passée à la compétence de l’OTAN. Rien ne peut juridiquement être plus contestable étant donné que l’OTAN est une organisation militaire nord-atlantique qui ne peut utiliser la force au service des Nations Unies sans une décision explicite du Conseil de sécurité. On ne devrait pas oublier que la Charte des Nations Unies, dans son chapitre VII, attribue aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité -Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Russie, Chine- le devoir de créer un Comité d’Etat Major sous sa dépendance et responsable de la direction stratégique de toutes les forces armées mises à sa disposition.  L’OTAN n’a donc pas la moindre compétence. 
Tout ceci pourrait sembler évident, mais ne l’est pas quand on sait que le Président de la République italienne, chef des Forces Armées, Giorgio Napolitano, s’est rangé apertis verbis, en faveur de l’intervention militaire de l’OTAN contre la Libye de Kadhafi. Il soutient qu’il est « inutile de répéter des choses que tout le monde devrait savoir : la Charte des Nations Unies prévoit un chapitre, le VII, qui, dans l’intérêt de la paix retient que sont aussi à autoriser des actions avec les forces armées destinées à réprimer les violations de la paix ». 
En réalité, il serait utile de répéter au Président de la République que : la résolution 1973 en tant que telle n’attribue à aucun Etat et à aucune organisation militaire le devoir de « faire la guerre » contre la Libye. Le seul devoir -de toutes façons illégalement attribué- est d’imposer la « no-fly zone », ce qui ne comporte pas le moins du monde le bombardement de villes, villages, refuges souterrains etc., et la tuerie de personnes sans défenses.  
Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Nous avons appris hier (jeudi 28 avril, NdT) que le Président de la République s’est ouvertement rangé en faveur du gouvernement italien et en particulier de son leader Berlusconi. Il en a approuvé la récente décision de satisfaire la volonté des Etats-Unis : il s’agit de convertir la no-fly zone en une véritable guerre d’agression, très probablement en vue d’une occupation non désintéressée de la précieuse terre libyenne. Giorgio Napolitano a approuvé la décision prise par le gouvernement italien de commencer les bombardements aériens avec ses propres Tornado et ses propres missiles anti-radar. Il a expliqué que l’ « ultérieur engagement de l’Italie en Libye » n’est que « le développement naturel» du choix accompli par l’Italie à la mi-mars sur la base de la résolution 1973 du Conseil de sécurité.  Un choix, ajoute le Président, « conforté par un ample consensus du Parlement italien ».  
En utilisant la formule « développement naturel», Napolitano semble ne pas prendre en considération non seulement la Charte des Nations Unies, mais aussi la Constitution italienne. Il ignore et contredit avant tout la célèbre formule de l’art. 11 : « L’Italie répudie la guerre comme instrument d’offense à la liberté des autres peuples et comme moyen de résolution des controverses internationales »[2]. Et contredit l’art. 52 qui légitime l’utilisation de la force seulement en « défense de la patrie ». Il ignore que l’art. 78 stipule que dans le cas où éclate une guerre les Chambres doivent formellement délibérer « l’état de guerre » et attribuer au Gouvernement les pouvoirs nécessaires. Et il ignore, enfin, que l’art. 87 prescrit que ce soit le Président de la République qui déclare formellement l’état de guerre délibéré par les Chambres. On peut dire que le Président de la République semble ignorer la tragédie de la guerre et ne pas se préoccuper de la vie de centaines, peut-être de milliers, de personnes innocentes.
On prétend depuis longtemps que l’actuel président du conseil, Silvio Berlusconi, se contrefiche de la Constitution italienne et se propose de la manipuler à ses usage et profit pour satisfaire, dans ce domaine aussi, son ambition de dandy de la politique italienne et de prochain président de la République. Il nous reste à espérer que Giorgio Napolitano n’aille pas satisfaire aussi ce « développement naturel ».

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio 

[1] Intervention en Libye : Une imposture criminelle, L’exaltation des droits humains, la garantie de la sécurité et de la paix sont pure rhétorique, Danilo Zolo. http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=23870  
[2] Art.11: L'Italie répudie la guerre comme instrument d'offense à la liberté des autres peuples et comme moyen de résolution des controverses internationales; consent, en condition de parité avec les autres États, aux limitations de souveraineté nécessaires pour des règles qui assurent la paix et la justice entre les Nations; promeut et soutient les organisations internationales tendant vers ce but. http://fr.wikipedia.org/wiki/Constitution_de_l'Italie