Le Caire : qui remplit le vide de pouvoir ?
Mondialisation.ca, 10 juillet 2013
Le
mot commence par un « c » mais on ne peut pas le dire : ainsi décrit-on
dans les couloirs washingtoniens la position de la Maison Blanche face
au coup d’état en Egypte. Celle-ci condamne génériquement les violences
en se disant préoccupée par le « vide de pouvoir » et surprise par les
événements. Des fonctionnaires du Pentagone assurent, cependant, que le
secrétaire d’Etat à la défense Chuck Hagel a toujours été « en étroit
contact » avec son collègue égyptien, le général Abdel Fattah al-Sisi.
Homme de confiance du Pentagone, s’étant perfectionné au US Army War
College de Carlisle (académie militaire de Pennsylvania), ancien chef
des services secrets militaires, principal interlocuteur d’Israël, nommé
il y a moins d’un an par le président Morsi chef d’état-major et
ministre de la défense.
Edition de mardi 9 juillet 2013 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20130709/manip2pg/14/manip2pz/342898/
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
Il y a cinq mois, le 11
février, il avait été convoqué par le général James Mattis, chef du
Commandement Central USA, dans l’aire duquel entre l’Egypte car elle a
« une influence stabilisatrice au Moyen-Orient », surtout par rapport à
Gaza. A l’ordre du jour (en présence de l’ambassadrice au Caire Anne
Patterson), la « coopération militaire USA-Egypte » dans le cadre de
l’ « instabilité politique » au Caire. Simultanément, Washington avait
annoncé la fourniture de 20 autres chasseurs F-16 et 200 chars blindés
lourds M1A1 (fabriqués sous licence en Egypte). Grâce à un financement
militaire de 1,5 milliards de dollars fournis annuellement par les USA
depuis 1979 (inférieur seulement à celui donné à Israël), les forces
armées égyptiennes possèdent la quatrième flotte mondiale de F-16 (240)
et la septième de chars d’assaut (4 000). C’est au fonctionnement de ces
armes et d’autres encore (parmi lesquelles celles anti-émeutes) que les
forces armées égyptiennes sont entraînées par le Pentagone, qui envoie
tous les deux ans en Egypte 25mille militaires pour la manoeuvre
« Bright Star ». Ainsi a été créé le principal levier de l’influence
étasunienne en Egypte : une caste militaire qui dans les hautes
hiérarchies a aussi ses ramifications de pouvoir économique. Caste qui a
soutenu pendant plus de trois décennies le régime de Moubarak au
service des USA, qui a assuré la « transition pacifique et ordonnée »
voulue par Obama quand le soulèvement populaire a renversé Moubarak ;
qui a favorisé l’ascension à la présidence de Mohamed Morsi,
représentant des Frères Musulmans, pour neutraliser les forces laïques
protagonistes du soulèvement ; qui a déposé Mohamed Morsi quand sa
gestion a provoqué le soulèvement des oppositions laïques et des jeunes
rebelles du Tamarrod (mouvement Rébellion, Ndt).
L’autre levier de
l’influence étasunienne en Egypte est économique. Depuis que Moubarak
réalisa les mesures de privatisation et de déréglementation voulues par
Washington et ouvrit largement les portes aux multinationales, l’Egypte,
tout en étant un gros exportateur de pétrole, de gaz naturel et de
produits finis, a accumulé une dette extérieure de plus de 35 milliards
de dollars. Et, pour payer les intérêts d’un milliard de dollars
annuels, elle dépend des « prêts » des USA, du FMI et des monarchies du
Golfe. Une corde au cou de la majorité des 85 millions d’Egyptiens, dont
la moitié environ vit dans des conditions de pauvreté. D’où les
profondes poussées de rébellion et de lutte pour une réelle démocratie
politique et économique.
Que les hiérarchies
militaires sont arrivées jusqu’ici à brider en se présentant, à chaque
fois, comme garantes de la volonté populaire. Elles restent ainsi les
détentrices réelles de ce pouvoir qui sert les intérêts étasuniens et
occidentaux. Le soulèvement ne deviendra une vraie révolution que quand
les forces populaires, aussi bien laïques que religieuses, arriveront à
trancher ce lien néo-colonial, en ouvrant à l’Egypte un avenir
d’indépendance et de progrès social.
Edition de mardi 9 juillet 2013 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20130709/manip2pg/14/manip2pz/342898/
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio